Before 1991, when Latvia was part of the USSR, approximately 300 inmates were held in this juvenile detention centre located in the small town of Cēsis, 80 km northwest of the capital, Riga. Today, 39 prisoners do their time here, without any change in the area in use. At the request of the administration, I had to scratch out with a knife this part of the wall, though this view is from outside of the prison and does not represent a security risk.
Avant 1991, alors que la Lettonie faisait partie de l'URSS, environ 300 détenus étaient incarcérés dans ce centre de détention pour mineurs (Cēsu Audzināšanas iestāde nepilngadīgajiem) situé dans la petite ville de Cēsis, à 80 km au nord-est de la capitale Riga. Aujourd'hui, 39 prisonniers y purgent leur peine, sans que la surface occupée auparavant n'ait été modifiée. Le centre a été rénové entre 2011 et 2012 grâce à des fonds de l’union européenne et de la Norvège.
A la demande de l'administration, j'ai dû gratter au couteau ce pan du mur, vu pourtant depuis l'extérieur de la prison, ne représentant aucun risque pour la sécurité.
© Jérémie Jung
This building is reserved for the 20 prisoners whose sentences have been handed down. They only occupy one floor. The second, empty, is sometimes used to place an inmate in isolation.
A separate building houses prisoners in remand detention.
Le centre pénitentiaire est divisé en deux bâtiments occupés par les prisonniers. L'un est destiné aux prisonniers dont la peine a été prononcée, l'autre pour ceux en détention provisoire.
Ici le bâtiment destiné aux 20 prisonniers dont la peine a été prononcée. Les adolescents incarcérés occupent un seul étage du bâtiement. Le second, vide, est parfois occupé par un détenu mis à l'isolement.
© E / Jérémie Jung
In the dining hall, the prisoners are separated into two groups: those serving their sentences eat in one room, those in remand detention in the other.
With the permission of a guard who escorted me at all times, I went to the dining hall to photograph it. A group of youth came in and sat down at the tables, each with his own designated spot. They took advantage of my presence to quickly explain to me that their meals were never good. I took two photos and another guard raced to stop me.
I understand that each guard enforces the rules a bit as he interprets them. The administration will have the last word: it orders me to scratch out the identities of each inmate.
A la cantine, les prisonniers sont séparés en deux groupes : ceux purgeant leur peine déjeunent dans une salle, ceux en détention provisoire dans l’autre.
Le quotidien des détenus m'intéressait évidement. Un jour, j'avais demandé au garde qui m’accompagnait en permanence si je pouvais photographier la cantine. Avec son accord, on y est allé. Un groupe de jeunes arrive alors pour s’attabler. Chacun possède sa place attitrée. Ils profitent de ma présence pour m’expliquer rapidement que leur repas n’est jamais bon. Je fais deux photos et très vite, un autre garde se précipite pour m’interpeller.
Je comprends que chaque surveillant applique les règles un peu comme il l’entend. Mais finalement, plus tard, ce sera le service de sécurité qui aura le dernier mot, en m’ordonnant de gratter les identités de chaque détenu.
© Jérémie Jung
The cells are occupied by one or two inmates. Another – unoccupied at the time – is reserved for disabled prisoners.
The 20 prisoners whose sentences had been handed down occupy this floor. This corridor is often a place for entertainment, as the doors are open during the day. Some prisoners meet up to play video games, for example.
At the request of the administration, I had to alter the film to hide the prisoner because he was not participating in the photography workshop, even though his back was turned and he was blurry.
Les prisonniers sont soit à deux, soit seul par cellule. Une cellule - alors inoccupée - est également réservée aux prisonniers à mobilité réduite. Les 20 prisonniers dont la peine a été prononcée occupent cet étage. Ce couloir menant à toutes les cellules occupées est également souvent lieu de distraction dans la journée : portes ouvertes certain prisonniers peuvent alors inviter leur co-détenu à venir jouer à des jeux vidéos par exemple.
Ici, il m'a été demandé d'altérer la photographie car le prisonnier que l'ont y voit ne participait pas à l'atelier photographique, bien que celui-ci était de dos et flou.
© Jérémie Jung
I.,16 years old.
He is curious to know who I am, where I come from and why I am here. He also asks me if it’s exciting for me to come to prison.
I. thinks that his sentence fits his crime. He must stay there for a few years, and he explains to me that the more his sentence progresses, the more time passes quickly. The first months were the hardest. Behind bars, he found faith and shows me with pride his Orthodox Bible and his collection of diplomas. The more of them he has, the more chances he has of shortening his sentence.
On the outside, he asks me to go photograph the area surrounding the city of Sigulda. There is a national park there. He wants to show me that his country is beautiful. I found this house there, whose construction seems to have been put on pause by the cold of winter.
I, 16 ans.
Il est curieux de savoir qui je suis, d’où je viens et pourquoi je suis là. Il me demande d’ailleurs si c’est excitant de venir en prison pour moi.
I. estime que sa peine est juste pour le crime commis. Il est là pour quelques années et me précise que plus la peine avance, plus le temps passe vite. Les premiers mois ont été les plus durs. Derrière les barreaux, il a trouvé la foi et me montre avec fierté sa bible orthodoxe ainsi que sa collection de diplômes. Plus il en a, plus il a de chances d’écourter sa peine.
À l’extérieur, il me demande d’aller photographier autour de la ville de Sigulda. Il y a là un parc national. Il veut me montrer que son pays est beau. J’y ai trouvé cette maison, dont la construction semble avoir été mise en pause par le froid de l’hiver.
© Jérémie Jung
The prisoners have a small fenced-in courtyard which enables them to cool off when they are given permission to do so.
Attenant au bâtiment où les prisonniers sont enfermés, une petite coure engrillagée leur permet lorsqu'ils en sont autorisé de se rafraichir.
© I / Jérémie Jung
In 2012, the European Regional Development Fund made it possible to open a sports hall. For the prisoners, sport is the most popular activity. Matches opposing guards and prisoners are frequently organised.
Here, these three players did not participate in the photography workshop. At the request of the administration, I scratched out their faces, although two of them have their backs turned and are not recognisable.
En 2012, la stade couvert a été ouvert grâce au fond Européen de Développement Régional. Le sport est parmi les prisonniers l'activité la plus populaire. Il est même fréquent que des matches opposant gardiens et prisonniers soient organisés.
Ici, ces trois joueurs n'ayant pas participé à l'atelier photo, le service de sécurité m'a demandé de gratter leur visage bien que deux d'entre eux soient de dos et non reconnaissables.
© E / Jérémie Jung
I had asked each participant of the workshop to take photos of what spoke to them and their daily lives. I was very surprised by the coolness of some of their pictures. Each had innocently conveyed a part of his personality.
O., 20 years old, took a selfie with his cellmate in front of their cell. These cells never hold more than two people and are equipped with a shower.
At the request of the administration, I had to scratch out the face of O.’s cellmate, as he had not taken part in the photography workshops.
J’avais demandé à chaque participant de l'atelier de prendre en photo ce qui parlait d’eux et de leur quotidien. J’étais très surpris de la fraîcheur de certaines de leur images. Chacun a naïvement transmis une part de sa personnalité.
O, 20 ans a fait un selfie avec son codétenu devant leur cellule. Lorsque les jeunes prisonniers n’ont pas d’activités organisées (sport, école, ateliers divers), ils passent la plupart de leur temps entre leur cellule et le couloir. Ils ne sont jamais plus de deux en captivité. Chacune dispose d’une salle de douche.
J'ai du gratter le visage du codétenu d’O, car il n’avait pas pris part aux ateliers photos.
© O / Jérémie Jung
Soon an unexpected partner intruded into the images that the inmates and I had made: the prison administration. After having to develop the films in the prison's sanitary facilities, each negative was examined by security. Having then understood that some of the images would be censored, I was afraid that I would be asked to cut and discard some of the shots. Before this happened I suggested that I alter the negative by scratching. This kitchen knife with the initials of the prison (CAIN) engraved on it was provided to me and I was ordered to remove "sensitive elements" from the negatives: the identity of prisoners who had not participated in the project, prison staff, surrounding walls...
At that moment, I thought I was destroying the work done with these ten young people for a month. In some of the photographs, I tried to argue that it was blurred or that the person I had to remove from the photo was from behind and therefore not recognizable. But that didn't change anything. I had to scratch off the undesirable element.
During the development of the films, I had been struck by the creativity of the young people, their involvement and the accuracy of some of the photos. When I had to alter them, I had the feeling that I was not only denying the identity and singularity of each one, but also neglecting the involvement they had put into their work.
This violently reminded me of the dehumanization that can occur in prison and the lack of empathy that the administration can have. And finally, these lacerated images bear witness to the prison reality and seem to me to bring a dimension to our work that was not considered.
Rapidement un partenaire imprévu s’est immiscé dans les images que les détenus et moi-même avions réalisées : l’administration carcérale. Après avoir dû développer les films dans les sanitaires de la prison, chaque négatif fût examiné par la sécurité. Ayant alors compris que certaines images seraient censurées, j’ai eu peur qu’on me demande de couper et jeter certaines vues. Avant que cela n’arrive j’ai proposé d’altérer le négatif par grattage. Ce couteau de cuisine sur lequel est gravé les initiales de la prison (CAIN) m’a été fourni et il m’a été ordonné de supprimer des «éléments sensibles» sur les négatifs : l’identité de détenus n’ayant pas participé au projet, le personnel pénitentiaire, les murs d’enceinte...
À ce moment, j’ai pensé que j’étais en train de détruire le travail réalisé avec ces dix jeunes durant un mois. Sur certaines photographies, j’essayais d’argumenter le fait qu’elle était floue ou que la personne que je devais supprimer de la photo était de dos et donc non reconnaissable. Mais cela ne changea rien. Il fallait que je gratte l’élément indésirable.
Au développement des films, j’avais été frappé par la créativité des jeunes, leur implication et la justesse de certaines photos. À devoir les altérer, j’avais le sentiment, non seulement de nier l’identité et la singularité de chacun, mais aussi de négliger l’implication qu’ils avaient pu mettre dans leur travail.
Cela m’a violemment rappelé la déshumanisation qui peut s'operer en prison et le manque d'empathie que peut avoir l'administration. Et finalement, ces images lacérées témoignent de la réalité pénitentiaire et me semblent apporter une dimension non envisagée à notre travail.
© Jérémie Jung
When the prisoners do not have organised activities, they spend their time in their cells, the corridor and this common room, where they can watch television or play different games. Some also use the space to carry out artistic endeavours.
At the request of the administration, I had to scratch out one of the inmates, who had not participated in the photo workshop.
Lorsque les prisonniers n'ont pas d'activités organisées (sport, école, etc.) Ils passent leur temps entre leur cellule, le couloir y menant et cette salle commune où ils peuvent regarder la télévision ou jouer à différents jeux. Certains peuvent également y réaliser des activité artistiques.
Ici, il m'a été demandé de rayer l'un des détenu n'ayant pas participé à l'atelier photo.
© I / Jérémie Jung
In a common room, A. takes a photo of himself in a mirror. He crafted the flowers from paper with his own two hands before using them to decorate the mirror.
Ici, dans une salle collective, A se prend en photo dans un miroir qu'il a lui même décoré de fleures en papier également confectionnées par ses soins durant son temps libre.
© A / Jérémie Jung
The prisoners have a small fenced-in courtyard which enables them to cool off when they have permission to do so.
While developing the negatives in one of the sanitary facilities of the prison, I was very surprised to discover the coolness and the creativity of the teenagers. The participants had been instructed to tell their stories and were free to take photos of whatever they wanted or could. Here, I. asked one of his fellow inmates to take a photo of him.
Attenant au bâtiment où les prisonniers sont enfermés, une petite coure engrillagée leur permet lorsqu'ils en sont autorisé de se rafraichir.
Alors que je développais les négatifs des participants à l'atelier photo dans un des sanitaires de la prison, j'étais très surpris de découvrir la fraîcheur et la créativité des adolescents. Les participants avaient pour consigne de ma part de se raconter en étant libre de prendre ce qu'ils voulaient et pouvaient. Ici, I a demandé à l'un de ses co-détenu se le prendre en photo.
© I / Jérémie Jung
N., 18 years old.
He is reserved and does not photograph much, only taking 15 or so photos. Maybe he does not feel like showing his environment or maybe he does not find anything there which is worth being shown. He does not tell me.
Like a lot of his fellow inmates, he is athletic. On the inside, he asks me to take his portrait, perched on a pull-up bar, behind the school building. On the outside, in Riga, he sends me to two places: a playground – a childhood memory, he explains to me – and a pitch for street sports.
I found birds there.
N, 18 ans.
Il est discret et photographie peu : une quinzaine de photos. Peut-être n’a-t-il pas envie de montrer son environnement ou n’y trouve-t-il rien qui vaille la peine d’être montré. Il ne me le dit pas.
Comme beaucoup de ses codétenus, il est sportif. À l’intérieur, il me demande de faire son portrait perché sur une barre de musculation, derrière le bâtiment de l’école. À l’extérieur, à Riga, il m’envoie sur deux lieux. Il voudrait que j’aille photographier une aire de jeu – un souvenir
de son enfance, me précise-t-il. L’autre endroit, également un terrain d’amusement, est dédié aux sports de rues.
J’y ai trouvé des oiseaux.
© Jérémie Jung
This building is inhabited by 19 prisoners in remand detention. In 2018, 39 young men were incarcerated in Latvia. The other 20, who had been sentenced, were kept in a separate building.
All were indicted when they were minors. They can be held in CAIN starting at age 14, and they can stay there until age 25. They are thus protected from the adult prison world, which is presented as being tougher.
Ici le bâtiment occupé par les 19 prisonniers en détention provisoire. En 2018, en Lettonie, 39 jeunes hommes sont incarcérés. Les 20 autres jeunes dont le jugement a été prononcé sont enfermé dans un bâtiment séparé.
Tous ont été inculpés alors qu'ils étaient mineurs. Le CAIN incarcère des jeunes dès 14 ans. Pour les préserver de l'environnement carcéral adulte plus dur. Ils peuvent rester emprisonné jusqu'à leur 25 ans.
© Jérémie Jung
The prisoners move around between the different buildings: a school, a sports hall, a church (pictured), a dining hall and their cells. The multidenominational church is the penitentiary’s oldest structure, and incidentally, many inmates find faith behind bars. Some even get baptised, choosing a fellow inmate as their godfather.
At the request of the administration, I had to remove a part of the exterior perimeter wall, although it was already blurry.
Des prisonniers circulent entre les diffeÌrents baÌ‚timents du centre peÌnitentiaire. Ceux-ci comprennent une eÌcole, une salle de sports, une eÌglise que l'ont voit ici, une cantine et leurs cellules. L'église multiconfessionnelle est le plus ancien édifice du centre carcéral. D'ailleurs, beaucoup de deÌtenus trouvent la foi derrieÌ€re les barreaux. Certains s'y font même baptiser en choisissant comme parrain un codeÌtenu. Le chapelet est un objet se trouvant dans de nombreuses cellules.
Ici la seÌcuriteÌ de la prison m’a demandeÌ d’enlever une partie du mur d’enceinte exteÌrieur, bien que celui-ci était déjà flou.
© E / Jérémie Jung
In response to my question “What do you do during school holidays?”, one inmate said, “Most of the time, we get bored.” Although some try to escape from their daily lives, the prison environment seems to continue to be psychologically brutal.
I often questioned what impact imprisonment, coupled with the offence committed, must have on the developing personalities of these young men.
À ma question, que faites-vous durant les vacances scolaires, l'un des détenu me répondit : "la plupart du temps on s'ennuie". Surement parlait-il pour son propre cas. Mais même si certains essayent de s'échapper du quotidien en passant le temps avec ce qu'ils ont à leur disposition et ce qu'on leur propose, l'environnement sécuritaire semble rester psychologiquement violent.
Je me questionne souvent sur l'impact qu'a et aura le crime commis doublé de celui de l'enfermement sur la personnalité de ces jeunes en construction.
© R / Jérémie Jung
After serving a long sentence, some worry about their release. To prepare for it, they are assisted by an adviser for one year.
Certains sont inquiets de leur sortie après avoir passé une longue peine enfermé. Pour la préparer, ils sont accompagnés pendant une année en vue de leur resocialisation par un référent qui les a déjà rencontré lorsqu'ils étaient enfermés.
© O / Jérémie Jung
A flipping through of a book mockup project.Dummy shortlisted at the
Kassel Dummy Award, Kassel, Germany, 2020Dummy shortlisted at the UNSEEN Dummy Book Award, Amsterdam, 2019
Le feuilletage d'une maquette de livre en projet.Maquette finaliste du
Kassel Dummy Award, Kassel, Allemagne, 2020Maquette finaliste du UNSEEN Dummy Book Award, Amsterdam, 2019